La Maîtrise du Geste : Force ou Douceur?

En ces temps de confinement, ma réflexion autour de ma pratique de la céramique est en exergue. Je fais alors un parallèle naturel avec ce qui se passe aujourd’hui sur « notre » Terre. Mon sentiment est que nous recevons un message important comme une sonnette d’alarme que la Terre envoie.

Et c’est ce matin alors que je regardais une vidéo d’un potier tournant avec une maîtrise parfaite que je me suis alors demandée d’où venait sa maîtrise? Est-ce que cette capacité à donner vie à la terre vient de la puissance de ses muscles et de ses mains ? Ou sont-il au service de la terre ? Ceux qui sont passer par l’atelier le savent, j’apporte une attention particulière à ce que le corps tout entier travaille avec la terre pour sentir une osmose entre le mouvement du corps et celui de la terre. Il est important d’être dans la douceur et non en force. Cet accompagnement est nécessaire pour donner vie à un objet, en respectant la terre et son propre corps.

Nous sommes à l’arrêt et la vie reprend pour beaucoup d’autres êtres vivants sur cette planète. Que sommes-nous ou plutôt qui sommes-nous pour vouloir maîtriser la Terre sans prendre en compte qui elle est?

Qu’en est-il du potier dont la matière première est un morceau de cette Terre que nous aimons à appeler argile? Travaillons-nous avec la terre ou avons-nous là trouvé un simple moyen de répondre à un besoin sans le moindre respect pour cette matière première?

Dans les gestes du potier, on peut y voir une maîtrise parfaite sans voir forcement ce qui va avec. On regarde le résultat et la « parade extérieure » des mains qui travaillent, on s’extasie. Mais que mettons nous réellement dans cette terre que nous façonnons? Le travail se fait-il dans la force pour lui imposer ce que nous voulons faire d’elle ou dans l’accompagnement et la guidance douce du geste précis?

Que se soit la Terre, la terre que nous cultivons ou la terre que nous façonnons, nous apprenons à travailler avec et non contre. Un potier le sait bien, forcer l’argile et elle pliera alors pour s’effondrer; forcer l’argile sous la puissance de son corps et c’est ce corps qui finira par plier en déclarant des maladies physiques.

Toutes les forces que nous mettons à la maîtriser nous renvoie à notre propre impuissance. Nous faisons face à notre volonté de tout contrôler, or la terre réduis notre travail à néant si nous ne l’écoutons pas. Nous devons repartir à nouveau jusqu’à ce que nous comprenions comment faire avec elle. A partir du moment où nous décidons de construire avec et d’écouter ses messages, tout notre corps se met en mouvement pour aller en accompagnement de la terre, nous apprenons d’elle et elle nous le rend bien. C’est alors une relation de respect mutuel qui s’installe pour le bonheur de tous.

Le terre devient alors un moyen d’expression, le lâcher-prise de la maîtrise parfaite ne se fait plus dans la douleur de notre Être avec la force physique que nous mettons à tenir cette terre, mais au contraire dans l’ouverture de Soi avec la terre. C’est la le message que j’entends aujourd’hui de la Terre au travers mon expérience avec l’argile.

Et vous où en êtes vous dans votre pratique avec la terre? Je vous invite à prendre le temps de vous questionner et à vous livrer si vous le souhaitez.

Avec toute mon humilité et mon empathie.

Emilie

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Crédits photo @S2Griff